Pascal de Lattre est un homme du Nord, qui aime se frotter à l'ordinaire, au commun, voire à l'ingrat, pour le faire parler dans un noir et blanc sobre et souvent sombre. Il explore volontiers la part d'ombre, sans elle point de lumière.

Photographe autodidacte né en 1958 à Lille, il travaille simultanément sur plusieurs "séries" qui se construisent doucement au fil du temps et des vagabondages.

Derrière les façades austères des "maisons closes" (c'est la série présentée ici), la vie s'est comme perdue en route... Bien sûr il y a le goût de photographier ces textures décrépites, dans une riche palette de gris, avec force détails ; bien sûr il y a la marque du temps, l'évocation d'histoires vécues, chacun laissera parler son imaginaire devant ces images pas si fermées qu'elles en ont l'air...

Mais si le regard de Pascal s'arrête devant ces maisons-là, c'est parce qu'il les sent familières, et qu'elles reflètent quelque chose en lui. Il fait sienne leur mélancolie, il adopte leurs âmes lézardées. Ces portes closes, ces rideaux tirés, ces persiennes définitivement baissées, disent en réalité l'enfermement, la solitude acceptée, l'absence à la vie, le renoncement.

Ce regard a priori austère, dont l'humain semble absent, nous parle en fait de nous-même. Les rafistolages architecturaux figurent nos tentatives maladroites, nos petits arrangements avec la souffrance, avec la vie. Et derrière les rideaux froissés, sur le marbre d'une cheminée, on imagine une photo défraîchie, oubliée... l'image d'un enfant dont les yeux continuent de briller.

Quelques mots sur la forme : ici aucune recherche d'effet, pas de perspective, mais au contraire un cadrage frontal et un recadrage rigoureux pour mieux enfermer le regard ; un noir et blanc lourd et contrasté. Enfin Pascal de Lattre s'attache à réaliser ses propres tirages numériques pigmentaires.